Discours du professeur Ionnis Koukiadis, membre du Parlement Europeen, vice-president de la Commission Juridique et du Marche Interieur au festival organise le 24 juillet 2003 a Kammena Vourla par ECOSY, au titre:

"La politique de l'Union Europeenne pour les services d'interet general (SIG)".


1. Parmi les concepts du neoliberalisme on se refere d'habitude a deux qui sont de loin les plus fondamentaux. L'un concerne la flexibilite du marche qui sur le plan social se traduit par la deregulation du systeme de protection sociale. L'autre vise la liberalisation voire la privatisation qui constitue une menace pour les SIG voire meme pour l'elimination si possible des services publics.
Etant donne que le systeme de protection sociale et des services publics d'interet general constituent les deux grands piliers du systeme social europeen, la grande question qui s'est posee depuis longtemps et qui est devenue la question majeure du debat politique actuel est la question suivante: Quelle doit etre la these des forces progressives aux approches du neoliberalisme? La reponse est difficile a donner et les problemes lies a la reponse sont a la base de la crise d'identite du socialisme. Si actuellement il n'y a pas encore une reponse globale et definitive, pour la grande majorite des socialistes europeens et social-democrates, on confirme plus ou moins une strategie de surmonter l'attitude defensive et promouvoir une contre offensive a l'attaque du neoliberalisme. En effet, la reponse la plus credible pour la sauvegarde du modele social europeen ne peut pas etre donnee en defendant ce systeme tel qu'il est. Une pareille politique defensive est condamnee a rendre le modele social europeen proie facile au neoliberalisme.

La seule politique credible est donc de rendre le systeme social lui-meme capable de faire face aux nouveaux defis economiques, qui sont le resultat de la nouvelle technologie et de l'ouverture du marche. Pour cette raison, le systeme doit s'adapter. Ainsi contre la flexibilite absolue, l'approche socialiste est l'equilibre entre la flexibilite et la securite et l'innovation de nouveaux droits sociaux. Contre la liberalisation de marche la reponse est une liberalisation controlee qui associe etroitement l'ouverture a la concurrence au maintient d'exigences des services publics ambitieux. Avec cette approche on met en harmonie les objectifs d'efficacite et de solidarite, les exigences du marche et ceux de cohesion.

Cette approche ne trahit pas le modele social europeen, mais elle est au c?ur de celui-ci et de ce fait elle le rend capable de surmonter les menaces de la nouvelle economie.

2. En ce qui concerne la Communaute Europeenne il faut rappeler que la question des services publics ne faisait pas parti des interets des fondateurs de la Communaute. Jusqu'au Traitee de Maastricht la Communaute Europeenne n'est concue que comme un grand marche. La competence des services publics ou des SIG incombait exclusivement aux Etats membres. Depuis 1992 on enregistre un interet progressif pour les SIG. Au Traitee d' Amsterdam on a fait deja un progres. Entre autres, l'article 16 prevoit que la Communaute et les Etats membres sans prejudice des articles 73, 86 et 87, et au egard a la place qu'occupent les services d'interet economique general parmi les valeurs communes de l'Union ainsi qu'au role qu'ils jouent dans la promotion de la cohesion sociale et territoriale de l'Union, la Communaute et ses etats membres, chacun dans les limites de leurs competences respectives et dans les limites du champ d'application du present traitee, veillent a ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions. D'apres la position de la Commission, avec cet article on reconnait le role des SIEG parmi les valeurs communes de l' UE. L'article charge aux etats membres et a l'UE la responsabilite pour le fonctionnement regulier.
Mais, cette competence reste restreinte parce qu'elle ne concerne pas toutes les SIG, mais les SIEG. En plus, le traitee n'accorde pas des attributions concretes, mais elle se contente de legitimer l'intervention europeenne dans le cadre des competences generales. En meme temps, l'article 36 de la Chartre Europeenne des droits fondamentaux reconnait les droits des citoyens europeens d'avoir un acces aux services d'interet economique general. Il y a aussi quelques autres reglementations comme le protocole pour le systeme de radiotelevision publique qui souligne que la radiotelevision publique est liee aux besoins democratiques sociaux et culturels de chaque societe.
Toutes ces dispositions nous montrent que l' UE a depasse le stade d' un simple marche et s'oriente vers le developpement de l'integration europeenne qui contient hors de questions economiques le modele social europeen, la citoyennete europeenne, les relations de chaque individu avec les autorites publiques. De ce fait, la Commission a publie le 21 mai precedent le livre vert pour les SIG.
Ce livre sera discute au Parlement Europeen aux mois de septembre et d'octobre. Le Parlement Europeen m'a fait l'honneur de me nommer comme co-rapporteur de la Commission Juridique alors que le rapporteur initial est nomme par la Commission economique et monetaire, qui est le depute Herzog. Vous pouvez donc m'envoyer toute suggestion, toute proposition qui selon votre avis doit etre tenue en compte.

3. D' ailleurs, comme le souligne la Commission, un des objectifs du livre vert est de faire ouvrir un dialogue europeen structure et large qui doit tenir en compte les objectifs de l' UE, le principe de partage des responsabilites, le principe de subsidiarite, l'absence de base juridique claire par les Traitees actuelles, la dissolution des incertitudes concernant la notion des SIG.
Plus precisement, le dialogue europeen qui s'ouvrira doit porter sur les points suivants:
A. Fixer le champ d'application d'une initiative europeenne.
B. Enumerer les principes qui pourraient etre inclus dans une directive cadre pour le statut des SIG.
C. Faire avancer la bonne gouvernance au domaine operationnel, a la reglementation, au financement et a l'evaluation des services d'utilite publique de sorte qu'on parvient a assurer la concurrence de l'economie, l'acces efficace et juste de tous les citoyens a ces services et les qualites eleves des services au faire aux citoyens.
D. Prevoir toutes mesures qui pourraient contribuer a la securite juridique et a une articulation cohesive entre les objectifs, d'une part d'assurance des SIG de haute qualite pour l'ensemble des citoyens et d'autre part de bonne application des regles de concurrence.
Bref, l'essentiel du debat engage, qui est un debat politique se resume a ceci: Quelle est la part qui doit etre confiee au marche et quel est la part de responsabilite collective a cette matiere ? Le livre vert qui pose cette question fait sortir des contestations fondamentales: a. Le marche est indispensable pour la bonne distribution des sources financieres au profit de la societe toute entiere. b. la liberalisation operee jusqu'a maintenant a certains domaines, comme les telecommunications, les transports a contribue a l'amelioration de la qualite des services, a la baise du cout de ces services et a l'augmentation de l'emploi. Globalement, on estime que la liberalisation des industries de reseau a permis la creation de pres d'un million d'emploi dans l'ensemble de l'Union Europeenne. En effet, les resultats positifs ne sont pas a nier.
Pourtant, il y a des aspects negatifs qui ne sont pas encore etudies. Des grandes preoccupations surgissent concernant la viabilite economique des operateurs charges de fournir SIG. Le degre de satisfaction des besoins de base collective et qualitative et le degre d'intervention du pouvoir public lorsque les forces du marche ne parviennent pas a satisfaire ces besoins ne sont pas a la hauteur d'un modele social dit de son nom.

4. Il y a encore un autre point qui revient au c?ur du debat politique. Les forces socialistes continuent a insister que la responsabilite principale pour la satisfaction des besoins essentiels des individus incombe aux etats et aux autorites locales. Pourtant, en meme temps, ils sont prets a accepter le changement de la maniere par laquelle les autorites publiques se pretent a assumer leur responsabilite envers les citoyens.
Aujourd'hui les autorites publiques au lieu d'offrir directement leurs services, elles confient la fourniture de ces services aux entreprises publiques ou prives ou a des partenariats entre le secteur prive et le secteur publique. La suprematie des monopoles publics est definitivement devolue. On est donc devant des elements nouveaux, qui sont soit la prise en charge par des entreprises prives de prestation des services publiques soit la collaboration du secteur public et du secteur prive. Les progres de l'integration europeenne ont permis de dementeler des barrieres qui imitaient les choix des utilisateurs des services et les possibilites de developpement des operateurs. Le resultat est en meme temps que les autorites publiques actuellement se limitent a la fixation des objectifs publiques au controle de reglementation et si besoin au financement de la prestation de ces services.
Donc, pour la politique europeenne et le droit communautaire l'essentiel ne se trouve pas au regime juridique de propriete du fournisseur des services publics. Le regime de propriete du fournisseur des SIG n'a pas d'importance, parce qu'il jouisse des droits identiques et se soumit aux memes obligations. L'essentiel se situe au fait que les autorites publiques doivent au domaine des services publics etre a la mesure de determiner les politiques nationales, regionales ou locales et de veiller a leur mise en oeuvre.
Cette nouvelle situation surtout en ce qui concerne le monde de fourniture et de financement de SIG est a l'origine d'un debat elargie pour l'etablissement d'un controle democratique. Selon le livre vert, cette situation presente des grands avantages comme la transparence de l'organisation, du cout et de financement de ces services. La transparence accrue reduit aussi la possibilite d'utiliser les mecanismes de financement pour limiter la concurrence sur ce marche et renforce le controle democratique des manieres par lesquelles ces services sont finances. Avec la transparence, le danger d'utiliser les mecanismes financiers pour deformer de la concurrence au marche est diminue.

5. Un autre point que vous devez tenir en compte pour que le dialogue ouvert aboutisse a des propositions concretes est de s'entendre sur la notion elle-meme des services publics. La question est particulierement delicate, parce que les Etats membres utilisent differents termes et des definitions dans le domaine des SIG en raison d'evolutions economiques, culturels et politiques ou semblables. Cette difference terminologique conduit a une confusion semantique.
L'expression "SIG" ne se trouve pas dans le traite lui meme. Le Traitee et la Chartre Europeenne utilisent l'expression "Services d'interet economique general". Cette expression a un sens plus large parce que elle couvre aussi bien les services marchants que les services non marchants, que les autorites publiques soumettent a des obligations specifiques des Services Publics.
L'expression SIEG n'est pas defini dans le Traitee. Cependant, on s'accorde a considerer qu'elle se refere aux services de nature economique que les Etats membres ou la communaute soumettent a des obligations specifiques en vertu d'un critere d'interet general. La notion de SIEG ouvre plus particulierement certains services fournis par des grandes industries de reseau comme de transport, les services postaux, l'energie et les communications. Il convient de souligner que les termes "SIG"et "SIEG" ne doivent pas etre confondus avec l'expression "service public". Cette derniere est moins precise parce qu'elle peut se referer egalement au regime de propriete ou au statut de l'organisme, qui fournit les service en question. De meme, l'expression "entreprise publique" est generalement utilise egalement pour definir le regime de propriete des fournisseurs des services, qui pour l'UE n'est pas pris en consideration en ce qui concerne les obligations et les droits.
La question posee est s'il est souhaitable d'elaborer une definition europeenne globale du contenu des SIG. Pleins sont ceux qui contestent la possibilite d'une telle definition. Par contre, la situation est devenue mure d'enregistrer les elements communs aux differents secteurs. Ces elements comprennent notamment les services universels, la continuite, la qualite des services, la faisabilite tarifaire ainsi que la protection des utilisateurs et des consommateurs. Ces elements mettent en evidence les valeurs et les objectifs communautaires.
De l'autre cote l'expression "obligation des services publics" designe les obligations specifiques imposees par les autorites publiques a un fournisseur des services pour garantir la realisation des certains objectifs d'interet public. Donc, elles sont alignees aux elements communs qu'on a mentionne sus dessus, telle qu'elle est l'obligation de l'assurance d'un service universel, de sa continuite, d'accessibilite tarifaire etc. Selon le livre vert, toutes ces obligations doivent a la fois garantir l'efficacite economique, la cohesion social ou territoriale et la securite pour tous les citoyens.
L'intensite de l'action communautaire et le role des Etats membres se differencient selon la categorie d'un SIG. Pour les SIEG fournis par les grands industries de reseau telles que les communications, les services postaux, l'electricite, le gaz et les transports la Communaute a procede a l'ouverture de la graduelle du marche. Dans le meme temps, la Communaute a adopte pour ces services un cadre reglementaire global precisant les obligations des services publics au niveau europeen et incluant des aspects comme les services universelles, les droits des consommateurs et des utilisateurs de la sante et de securite.
Les industries precitees possedent une dimension communautaire indiscutable et constituent un domaine ou la necessitee d'une definition de l'interet general europeen se fait fortement sentir. Ce que le titre XV du traitee reconnait egalement, en confiant a la Communaute une responsabilite specifique en matiere de reseaux transeuropeens dans les secteurs des infrastructures de transport, des telecommunications et de l'energie, dans le double objectif d'ameliorer le bon fonctionnement du marche interieur et de renforcer la cohesion economique et sociale.
Les autres services d'interet economique general, comme la gestion des dechets, l'approvisionnement en eau ou les services publics de radiodiffusion, ne sont pas soumis a un regime reglementaire global au niveau communautaire. En regle generale, la fourniture et l'organisation de ces services sont soumises aux regles relatives au marche interieur, a la concurrence et aux aides d'Etats membres. En outre, des regles communautaires particuliers, telles que la legislation en matiere d'environnement, peuvent s'appliquer a certains aspects de la fourniture de ces services.
En ce qui concerne la radiodiffusion televisuelle, le regime reglementaire est coordonne au niveau communautaire par la directive "Television sans frontieres" notamment pour les evenements d'importance majeure pour la societe, la promotion des ?uvres europeennes et la production independante, la publicite et la protection des mineurs.
Enfin, il y a les services non economiques et les services sans effet dans le commerce. Ces services ne sont pas regis par des regles communautaires specifiques et ne sont pas non plus couverts par les regles relatives au marche interieur, a la concurrence et aux aides d'Etat figurant dans le traitee. Ils sont toutefois couverts par les regles communautaires applicables aux activites non economiques et aux activites qui n'exercent pas d'effet sur le commerce intracommunautaire, comme le principe fondamental de la non-discrimination.

6. En conclusion, la communaute a mis en point une politique des SIG reposant sur des degres d'action divers et l'utilisation d'instruments varies. Jusqu'a present la communaute n'a pas mis en place un cadre europeen commun pour assurer la mise en ?uvre coherent au niveau communautaire des principes qui sous tendent l'article 16 du traitee. Elle s'est imitee a adopter une reglementation sur une base sectorielle. Cette situation donne l'impression de desequilibre de l'action communautaire qui pourrait finalement nouir a sa credibilite. C'est donc a juste titre, que le presidium de la Convention a propose une base juridique qui legitimerait une reglementation cadre contenant des dispositions generales.
Il nous faut donc, une action legislative pour la promotion des services des SIG dans les objectifs de l' UE et d'admettre que l'efficacite des SIEG ne se mesurent pas seulement aux termes de prix mais aussi de leur contribution au developpement soutenable ce qui exige aussi des incitations et des financements appropries. Il faut prevoir la position que les services essentiels de l'education nationale, de la sante publique, de la securite sociale, les services culturels, sociaux et caritatifs a caractere non lucratif ne doivent pas etre soumis aux regles du marche interieur et de concurrence.
Afin de creer les fondations d'une economie europeenne du savoir pour la mise en ?uvre de la strategie de Lisbonne il faut demander l'elaboration d'un plan d'action ambitieux pour developper l'education et la culture europeenne et la formation tout au long de la vie.
Sans nier le precepte de la concurrence il faut travailler a rendre ceci a la fois effectif et conforme aux obligations de prestation des services publics.